Revue de presse

“Ne pas se priver de l’intelligence des femmes"

Elle assure ne pas se formaliser si on ne lui cède pas le passage dans un ascenseur, alors qu’elle emprunte celui de la tour des Finances. De là à qualifier la galanterie de comportement sexiste, il n’y a qu’un pas… qu’elle ne franchit pas.
“Si on me cède le passage, en tant que femme, je ne me vexe pas non plus. ” Féministe, libérale, mais pas radicale. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier Sophie Wilmès (MR), ministre du Budget depuis 3 ans. 
 
Entretien.
 
Vous vous définissez comme féministe ?
“Je ne comprendrais pas que quelqu’un ne se définisse pas comme féministe. Le féminisme, c’est simplement revendiquer que les femmes sont l’égal des hommes.” 
La règle des 1/3 de femmes minimum dans les Collèges communaux fait du bruit.
“Je n’ai pas de souci avec cette règle. On demande aux entreprises cotées en bourse d’avoir un certain nombre de femmes dans leur conseil d’administration. Pourquoi ne pourrait-on pas exiger la même chose de l’autorité publique ? S’il suffisait de laisser les choses s’arranger sans intervention, ça se saurait. Il n’y a pas d’évolution sans intervention, parfois contraignante.”
 
Vous êtes pour les quotas ?
“En tant que libérale, il est très difficile de l’être. Le jour où il y aura un équilibre naturel, il faudra assouplir la règle.”
Selon des têtes de liste, il est parfois compliqué de recruter suffisamment de femmes en politique.
“Très honnêtement, je l’ai constaté dans le passé. Et c’est encore parfois difficile. Mais il y a une évolution. Elle ne s’est pas faite naturellement. Parce qu’on a fait de la place pour elles. Le fait qu’il y ait moins de femmes qui s’intéressent à la politique, ce n’est pas inhérent à leur nature ! Mais à l’environnement dans lequel elles évoluent. On doit changer cet environnement.” 
 
Laurette Onkelinx parle d’un retour du machisme en politique. Il n’y a plus de femmes au Kern. 
“Effectivement, il n’y en a pas. Mais en tant que ministre du Budget, je suis très souvent au Kern. Et au sein du Conseil des Ministres, l’organe décisionnel, les femmes sont présentes.”
 
Mais le centre du pouvoir, c’est le Kern ? 
“Est-ce que je voudrais davantage de femmes au Kern ? La réponse est oui, bien sûr. Mais ce sont les partis libéraux, le MR et l’Open-VLD, qui ont amené les ministres féminines : Maggie De Block, Marie-Christine Marghem et moi-même. Et dire qu’il y a un retour en arrière, c’est de l’opportunisme politique. J’entends des témoignages qui disent que le monde politique est très macho. Je suis d’une autre génération, certes. Mais je n’ai eu à aucun moment le sentiment que ma voix ne comptait pas, parce que j’étais une femme. Et je n’ai pas la sensation du tout d’un retour en arrière. Je ne me suis jamais sentie victime de discrimination.”
 
Et dans l’espace public, estimez-vous qu’on est plus méprisant à l’égard des femmes ?
“J’aime à rappeler la première question qu’un journaliste m’a posée quand on a annoncé que je devenais ministre. Avec un brin d’étonnement, il me demande : ‘Alors, une femme ministre du Budget ?’ Je lui ai dit : ‘Ben oui, et alors ?’ L’égalité doit aussi se faire dans une éducation équilibrée entre filles et garçons et valoriser les filles dans des études d’ordinaire plus prisées des garçons.”
 
Comment faire ?
“J’ai quatre enfants, dont trois filles. Ils voient tous les quatre que leur maman travaille. Beaucoup. Qu’elle s’engage dans des fonctions importantes. Ça peut être un exemple. Leur maman leur explique que, garçons ou filles, ils peuvent tous les quatre exploiter leur potentiel. Nos mamans n’ont pas eu le même type d’opportunités que les nôtres.”
 
Le ministre des Finances défend l’introduction de plus de femmes dans les fonctions dirigeantes de la banque nationale.
“Il était temps. On ne peut pas se priver de l’intelligence des femmes. La situation actuelle est la résultante d’années de
nomination au détriment des femmes. Leur capacité à occuper des fonctions importantes n’était pas prise en considération. Ceux qui étaient à la manoeuvre sont ceux qui se plaignent aujourd’hui.”
 
 
 

Genrer les 185 millions d’€ de subside de la Loterie

Comment, à votre niveau, renforcer l’égalité hommes-femmes ?

“La question du genre doit faire partie de la conception de l’entièreté des projets. Je suis en charge de la Loterie nationale, qui se porte bien : elle est toujours en mesure d’assurer à l’État et au citoyen des retours sociétaux. Une rente de monopole de 135 millions € par an retourne dans les caisses de l’État. Et 185 millions € sont redistribués à la société via des associations, sous forme de subsides. Cette année, la nouveauté, c’est le point d’attention qui est mis sur la question du genre. Nous avons instauré cette dimension dans notre charte de subsides. C’est la première fois
qu’avant même l’octroi des subsides, on attire l’attention sur la question du genre.” 
 
Elle sera primordiale dans le choix des projets subsidiés ? 
“D’une part, on demande d’éviter toute forme de discrimination hommes-femmes. Nous allons compléter le formulaire d’octroi pour y intégrer une partie liée à la question du genre. C’est une sensibilisation qui n’est pas contraignante. Mais il est évident qu’une association discriminante ne sera pas subsidiée. On veut aller un pas plus loin.”
 
Comment ?
“J’ai demandé un état des lieux pour l’année 2018 afin de “genrer” les subsides que l’on donne. Il permettra de voir les difficultés liées au genre dans le choix des associations subsidiées. Cela n’a jamais été fait. En fonction des résultats qui seront obtenus, nous verrons si nous devons adapter la politique de subsides de la Loterie nationale. On va identifier les associations qui ont pour objectif de promouvoir l’égalité hommes-femmes pour les encourager plus clairement.”
 
 
Il est question, à terme, de quotas hommes-femmes dans la répartition des personnes aidées par les subsides ?
“C’est tout à fait ça. S’il y a un déséquilibre entre les genres, il faut rétablir la situation! Il faut pouvoir réaiguiller les subsides. Dans ce pays, on a parfois dû veiller aux équilibres au niveau communautaires ou du sport, mais on ne l’a pas fait au niveau du genre.” 
 
De quel type d’associations parle-t-on ? 
“Exemple : prenez les prix qui sont distribués aux vainqueurs des compétitions, dont le montant varie selon qu’il s’agisse
d’hommes ou de femmes. On peut faire en sorte de remettre un curseur plus équitable.” 
 
Si un déséquilibre est constaté, que ferez-vous ?
“Les dossiers qui passeront seront analysés à la lumière de l’équilibre de genre. Pour garantir que, à terme, il n’y ait plus
de déséquilibre.”